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Etat des travaux en cours

Thèse Principale :

Elle est consacrée à l’étude des concepts fondamentaux d’une théorie mathématique. L’exemple choisi est la théorie des fonctions de variables réelles telle qu’elle se présente à la fin des années 1920. On a pris pour guide le grand traité de E.W. Hobson dont la 3 e édition a paru en 1927.

On a isolé les concepts suivants :

  1. Nombre réel
  2. Ensemble de points
  3. Fonction intégrable

Les deux premiers concepts on été éclaircis. L’analyse du second a exigé des développements phénoménologiques de portée générale.

Le travail comprendra environ 400 pages dactylographiées dont 250, déjà rédigées, sont jointes à ce dossier. Il reste à rédiger la dernière partie de la deuxième section consacrée à la distinction entre les propriétés métriques et les propriétés topologiques des ensembles de points (50 pages environ). Reste encore à finir de rédiger la troisième section (80 pages environ) consacrée à l’étude du concept de fonction intégrable. L’ouvrage devra se terminer par un lexique des principaux concepts mathématiques utilisés. Il doit être considéré comme une introduction à une série d’études consacrées au développement de la théorie des fonctions depuis Cauchy.

Thèse Complémentaire :

Elle a été mise en chantier en même temps que la thèse principale. Elle consiste dans le développement d’un point particulier de la théorie des ensembles.

Les matériaux en sont déjà élaborés mais le travail de rédaction n’est pas commencé. On se propose d’y étudier le concept de mesure des ensembles depuis Borel, Lebesgue jusqu’aux extensions obtenues pour des espaces plus généraux (groupes topologiques, mesures de Haar). Pour ce travail, d’un contenu très technique, on ne prévoit pas plus de 200 pages dactylographiées. Son intérêt épistémologique est de montrer l’émergence d’une structure abstraite (anneaux d’ensembles par exemple) et son investissement dans un domaine naturel (les mesures usuelles : longueur, aire, volume, contenu d’un ensemble etc.).

M. René Poirier a accepté de diriger ce travail de thèse complémentaire.

Le 25 mars 1965 1 .

Rapport de Suzanne Bachelard :

M. Desanti travaille sous ma direction à une thèse principale intitulée : Recherches sur quelques concepts de la théorie des fonctions de variables réelles. Ce travail a un double intérêt : il permet de suivre le mouvement constitutif de la mathématique en acte, en prenant pour domaine d’étude une théorie, désormais classique, dont le développement à travers le XIX e siècle a entraîné la remise en chantier de l’édifice mathématique ; il est aussi la réalisation d’une analyse phénoménologique très serrée dont, à ma connaissance, il n’y a pas d’équivalent en France.

A l’heure actuelle j’ai pris connaissance de 250 pages dactylographiées dont le double est joint au dossier. Ce fragment représente environ les deux tiers de l’ensemble de l’ouvrage.

L’introduction justifie le choix du domaine d’étude et à travers ces justifications s’annoncent la méthode de l’enquête et la destination de la recherche. En prenant comme point de départ – point de départ dont l’épistémologue ne doit ni méconnaitre ni redouter l’arbitraire – la forme rigoureuse que présentait en 1927 la théorie des fonctions de variables réelles et qui faisait d’elle une théorie que l’on peut désigner comme classique, l’analyse épistémologique peut déchiffrer l’enchaînement des actes mathématiques producteurs. Elle peut dissocier les structures explicites intégrées dans la théorie, redécouvrir les horizons implicites aux sources desquels elle a pris vie. En partant de l’état de maturité de la théorie de l’analyse <on> aura ainsi les moyens de s’engager dans une histoire à l’envers qui doit permettre à son tour de trouver l’accès pour une histoire effective de l’intégration des structures, de l’explicitation et de la composition des horizons dans une totalité achevée. Totalité achevée mais qui, suffisamment distante de nous, révèle ses possibilités de perfectionnement au regard d’aujourd’hui et nous enseigne ce que nous sommes en droit d’exiger encore d’elle. Grâce à cette coupe dans l’histoire empirique d’une théorie dont le développement a nécessité la redéfinition des concepts mathématiques fondamentaux, peut transparaître, au fil de l’analyse, le devenir d’une activité mathématique constitutive.

Dans la première section une analyse qui reste statique et qui n’est que provisoire, prenant comme point de départ la figure d’équilibre atteinte par la théorie des fonctions de variables réelles à la veille des années 1930 désigne des concepts spécifiques ou concepts « naturels » qui apparaissent tout construits dans la théorie elle-même. De ces concepts naturels seront distingués des concepts structuraux qui permettent d’obtenir pour des classes d’objets différentes des chaînes de propriétés homologues, enfin des concepts structuraux qui sont des concepts au second degré thématisant des concepts de propriétés. L’analyse sera dirigée par la présupposition qu’il doit toujours être possible de lire, sous les connexions conceptuelles manifestées par la théorie, l’enchaînement des gestes constructeurs. Mais cette présupposition n’est qu’une présupposition heuristique ; elle n’est pas une adhésion – qui serait de toute façon prématurée – à une philosophie transcendantale. Le second chapitre de cette section s’attache plus particulièrement à l’analyse d’un des concepts « naturels » de la théorie : le concept de nombre réel.

La deuxième section considère le domaine de la théorie des fonctions de variables réelles c'est-à-dire les ensembles de points. Il ne s’agit pas de se borner à exposer les propriétés de ce domaine comme le ferait un traité de mathématiques. En prenant l’objet : ensemble de points dans le tissu même de la théorie, M. Desanti se propose de conduire une analyse phénoménologique qui doit permettre de trouver quels sont les enchaînements d’acte qui mettent à la disposition du mathématicien un tel objet.

Cette deuxième section comportera trois parties. Jusqu’ici sont rédigées les deux premières parties :

  • La partie A dégage les noyaux opératoires impliqués dans le maniement de l’objet « ensemble de points ». Toute cette partie met à nu de façon rigoureuse les dissociations de propriétés, les possibilités de thématisation, l’émergence des structures idéales. Le lecteur assiste à la purification progressive de la théorie « naïve ».
  • La partie B est une recherche de portée beaucoup plus générale qui, sans perdre de vue son champ d’exemples, s’interroge sur le statut d’objet et la conscience d’objet. Tout en poursuivant son analyse, M. Desanti élabore les concepts nécessaires à une épistémologie phénoménologique. Après avoir distingué « position de noyaux explicites » et « position d’horizon » il détermine des niveaux différents d’actes. Le mouvement de connexion des actes constitutifs appellera une restructuration perpétuelle du champ d’objets. La complexité de la structure du champ décrit conduit M. Desanti à distinguer deux modalités d’horizon : l’horizon des possibles et l’horizon de stratification dont il montre la médiation réciproque.

M. Desanti a réussi à déployer une analyse « fine », conséquente et contraignante. Cette analyse est constamment mise à l’épreuve sur son domaine concret d’étude. Ce travail témoigne d’une égale maîtrise de l’analyse philosophique et de la technique mathématique.

La rédaction de 250 pages figurant au dossier est définitive, sous réserve des retouches que la fin d’un travail permet d’opérer sur son commencement.

Etant donné l’état d’avancement de ce travail et étant donnée sa qualité exceptionnelle, la demande de M. Desanti me paraît légitime, si elle est recevable.

S. Bachelard 2

Professeur d’Histoire de la Philosophie des Sciences exactes à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Paris

Table analytique des matières

  • Introduction

    Analyse des raisons qui ont porté conduit à choisir, comme champ privilégié d’exemples, la théorie des fonctions de variables réelles. Examen de quelques questions de méthode : du caractère indissolublement arbitraire et réglé de la période isolée histoire et épistémologie.

  • Section I. Préliminaires

    Profil historique de la théorie. L’état La situation de l’analyse dans les années 1920 : de quelques. quelques problèmes de méthode. Concepts naturels, concepts thématiques et concepts structuraux.

  • Section II. Noyaux opératoires
    1. Le concept de nombre réel : la construction de Dedekind. La construction de Cantor. Leur équivalence. La démonstration d’inextensibilité. Premières conséquences épistémologiques et apparition d’un thème fondamentale : position implicite propriétés explicites et structure implicite.
    2. Le concept d’ensemble de points. La droite réelle. Objets de type D relations et propriétés de type D . Leur investissement dans le champ des propriétés naturelles de la droite réelle. Dégagement du thème fondamental épistémologique fondamental, comment se noue dans un système d’objet idéaux la relation de l’explicite à l’implicite.
  • Section III. Statut d’objet et conscience d’objet
    1. Le champ réflexif immanent aux positions d’objet
      1. Le concept de champ réflexif : domaine d’articulation des motivations d’actes de positions des ? objets idéaux. qu’il accompagne toute position d’objet idéal comme domaine d’articulation des motivations d’actes.
      2. Connexion des idéalités implicites et des idéalités explicites. Eclaircissement de cette connexion sur l’exemple de la méthode de la diagonale : la présence implicite de l’idéalité non thématique « Ensemble des parties ».
    2. Structure intentionnelle de l’objet « (0, 1) »
    3. La bipolarité de l’objet