Une controverse se développe aujourd’hui. Elle concerne la nature du marxisme. Est-il une philosophie ? Une science parmi d’autres ? Et s’il est une philosophie de quelle nature est-elle ? Une vision du monde, une attitude ouverte et fluide ? Un système de concepts retenant la nature des choses ? Une méthode permettant la connaissance du monde et sa transformation ?

Cette controverse se développe dans les rangs du mouvement ouvrier révolutionnaire dont le marxisme constitue la théorie. Le fait même de ce développement est pour nous un signe de vitalité. Que les marxistes (nous entendons par là ceux qui non seulement professent des opinions marxistes, mais pratiquent le marxisme comme instrument d’analyse s’interrogent sur la nature, le fondement et la validité de leur démarche, cela veut dire que le marxisme n’est plus pour eux un simple objet, un ensemble de données extérieures auxquelles il se réfèrent, mais qu’ils exigent de lui qu’il devienne la substance même de leur pensée.

La réponse que les marxistes donneront à leur interrogation ne peut laisser indifférents ni les non-marxistes, ni même les adversaires du marxisme. Eux aussi sont en proie à l’inquiétude. Qu’en est-il de la philosophie ? Son temps est-il passé ? Doit-elle laisser la place aux sciences positives ? Et si une philosophie est encore possible que peut-elle dire ? Quel peut-être sont statut et que peut-être son style ? A-t-elle perdu sa force et son urgence la vieille question d’Aristote ( Métaphysique Z, 1028 b2) τί τὸ ὄν, « qu’est-ce que l’être » ? La vie s’est-elle retirée du concept ? Investie par les contenus positifs et multiples que l’expérience lui apporte, la pensée théorique doit-elle s’en tenir à cette positivité ? Est-il encore permis de se mouvoir universellement ?

Ces questions sont au coeur de la pensée contemporaine. Elle portent témoignage de la situation de la philosophie dans notre monde de culture. Situation contradictoire. D’un côté la philosophie apparait comme ce qui est mort, épuisé. Elle est le domaine du déjà dit, un discours que l’on répète. Mais d’un autre elle survit, en négatif, à sa propre mort. La stricte positivité du savoir laisse insatisfait, quelque chose d’autre est attendu. Mais quoi ?