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items/show/614#0055 [0013] à un moment donné, les concepts et les principes susceptibles de nous faire comprendre son devenir. La question qui se pose est précisément la suivante : comment mettre en lumière la liaison de la théorie à son environnement ? Que faut-il entendre par son environnement ? Jusqu’où s’étend il ? Pour préciser le concept du « mouvement effectif » dont l’exigence vient de nous apparaître, il importe de répondre à ces questions en tentant de préciser d’abord ce concept d’environnement.

§5 Il importe ici de revenir vers l’idée que nous avions à peine indiquée dans la première section de cette introduction : qu’une théorie mathématique est constituée d’éléments hétérogènes et d’âges différents. Il est temps d’essayer de se demander comment, en général, ces divers éléments sont liés les uns aux autres, quels sont, pour ainsi dire, les divers terrains que l’on peut s’attendre à trouver sur son chemin lorsqu’on entreprend l’analyse d’une théorie. Il est nécessaire de le tenter maintenant, au moment où se pose le problème de savoir comment mettre en évidence la liaison d’une théorie à son environnement historique. Car le plus souvent cette liaison n’est pas donnée d’une manière explicite, ni immédiatement. Il faut aller la chercher au fond de la théorie que l’on soumet alors à une sorte de [0001] coupe généalogique.

items/show/614#0056 §6. Que tout objet renvoie à sa propre genèse Il est remarquable que cette exigence (d’aller au fond pour découvrir le point d’origine de la genèse d’un objet) n’est pas particulier aux théories mathématiques. Elle se présente pour toute espèce d’objet susceptible d’être saisi à titre d’objet de savoir, ou même, plus généralement, d’expérience. C’est une propriété générale de toute espèce de conscience d’objet de contenir les moments de sa propre genèse et d’en permettre la détermination.

Cela est vrai par exemple pour une simple perception. La table qui est devant moi n’est pas seulement ici présente. Cela c’est sa détermination la plus abstraite, qu’elle possède en commun avec tout objet susceptible d’être donné. Elle n’est pas non plus seulement l’unité de ses propriétés physiques et géométriques. Elle montre aussi un contenu concret universel et signifiant : elle est outil, elle contient du travail humain dont elle renvoie le dessein, elle appelle des gestes humains dont elle  détermine  impose l’architecture. C’est par ce côté qu’elle m’est immédiate, qu’elle est objet pour moi, immédiatement appréhendé comme plein. C’est à travers ce contenu seulement que sa présence peut être cette présence et son unité cette unité. [0003]  La présence, l’unité objective donnée sont donc saisis à travers le sens qu’offre la table comme objet humain. C’est pourquoi la tale ne m’est pas seulement donnée, comme chose : elle m’est aussi présentée comme objet de réflexion. Mais  C’est par ce côté aussi qu’elle est source et chaîne de médiations : qu’elle peut être intégrée à mes actes, comprise dans mon expérience, et présenter dans cette expérience le sens déterminé d’un objet que je sais retrouver au bout de mes gestes.

En celle elle  peut  devient pour moi l’origine d’un mouvement de réflexion qui prend racine dans la chose elle-même et se présente comme une manifestation de son contenu. Sa présence ne se perd pas dans le vide de l’abstraction : elle n’est pas présence en général, chose en général, mais bien cette chose-ci, qui présente tel sens. Et pourtant elle contient aussi la détermination abstraite de la simple présence : et elle la contient essentiellement car  sans elle, elle n’est plus là , privée d’elle, elle n’est plus là et n’appartient plus au monde. Ce lien entre le côté abstrait de la présence et la richesse des déterminations concrètes qui apparaissent dans l’objet, nous le reconnaissons lorsque nous disons de la table qu’elle est identique à sa manière d’être, qu’elle est telle qu’elle apparaît. Et c’est là le mouvement de réflexion qui nait de la chose elle-même : [0005] il se déploie dans la chose ; il est son contenu qui est montré : il est la chose elle-même comme unité de sa présence et de ses significations. Cela nous le reconnaissons aussi lorsque nous disons de la chose qu’elle contient des déterminations, qu’elle peut en contenir à l’infini et que nous allons vers elles avec le souci de les connaître. En entrant ainsi en elle nous avons la certitude qu’elle ne nous échappe pas. Mais qu’est-ce encore [que] cette certitude, sinon la conclusion de ce mouvement qui vient de la chose elle-même et en montre le contenu ? Que signifie-t-elle encore sinon l’antériorité de la chose par rapport à toutes les  déterminations  significations que nous allons chercher en elle ? S’il n’en était pas ainsi jamais  la déterm  . l’élément le plus abstrait de la chose (sa la simple indication de sa présence) ne pourrait se trouver saisi immédiatement dans l’unité de l’objet, au sein de ses déterminations les plus riches. Le « fait d’être » de la chose se trouverait alors séparé du contenu de la chose : jamais ces deux éléments ne seraient donnés dans l’unité d’une conscience immédiate et notre perception consisterait à épeler péniblement, à la manière des bègues, le monde qui nous fuirait.  En effet le contenu que nous saisissons dans la chose ne serait pas rapporté à la chose comme sa manifestation. Car cette conscience immédiate est [0007] un produit  . La conscience de la chose se perdrait au sein des médiations qui la constituent et jamais ces médiations ne s’articuleraient les unes aux sur les autres en s’unifiant dans leur produit : la conscience immédiate de la chose présente et pleine.

Cela veut dire que dans la conscience de l’objet donné se présente ce que nous pourrions appeler le « profil matériel de l’objet », c'est-à-dire  l’appartenance du contenu saisi dans la chose à un noyau préexistant . l’exigence, inscrite dans le contenu de cette conscience immédiate, d’être la manifestation d’un noyau qui lui préexiste et qui est l’en-soi de la chose. Si nous employons l’expression de « profil »  matériel » , c’est parce que cet en soi se montre à travers le contenu qui le manifeste, à travers les divers moments du mouvement de réflexion qui prend racine en lui  et est  et se déploie comme contenu de la chose. Si nous employons l’expression « matériel », c’est parce que cet en soi préexiste à toute conscience, médiate ou immédiate, laquelle n’est jamais qu’un produit du mouvement et du développement de cet en soi.

On voit ici que l’unité de la conscience d’objet n’implique nullement pour se constituer l’unité préalable [0009] d’une conscience de soi, se déterminant elle-même comme cogito et se donnant, de l’intérieur, la loi constitutive de toute expérience. Il ne saurait en être ainsi car une philosophie du sujet laisse à son abstraction le moment de la présence de la chose, soit qu’elle l’intériorise comme simple donnée interne, soit qu’elle le prenne comme choc d’une chose en soi inconnaissable en son fond. Mais alors elle se rend incapable de comprendre la plénitude de la conscience immédiate dans laquelle le côté abstrait de la chose (sa simple présence) se trouve dépassé dans la médiation de son contenu et ouvert sur le contenu d’un monde plein. Si le monde originaire n’est rien qu’un chaos que j’ordonne, alors le monde perçu n’est rien d’autre que l’ordre que j’y conçois : il vit par  les « yeux de l’âme »  le regard de la conscience et pourtant  il porte  il contient en lui, à chaque instant la possibilité de son propre effondrement, car il n’est que cet ordre et la « présence »  est au delà  de la chose  est au delà, dans la nuit de l’en soi  se fonde au delà, dans la nuit de l’en soi, ou dans l’insondable profondeur d’un sujet qui s’échappe à soi-même. Mais alors  la chose  toute chose du monde porte en elle une cassure, [0011]  que la conscience de soi ne saurait  dont la conscience de soi ne saurait rassembler les deux bords,  car ces deux bords elle les trouve en elle qui s’affirme comme dessein du monde et visée de la présence  car elle même ne se saisit que dans cette séparation : au moment où elle prétend se poser comme dessein du monde, il y a déjà un monde donné à cet acte de position.